Rire avec Elles Festival d’humour au féminin(3/1) : Quand Valentine Revel si peu d’elle-même

Choisie pour ouvrir la troisième soirée du Festival Rire avec Elles, mercredi 21 mars au Ranelagh, juste avant Orély Sardet et Nadia Roz,Valentine Revel n’a pas convaincu le public resté de marbre et peu disposé à entrer dans son univers. Lequel, au fait ? Car il faut bien le dire Valentine révèle si peu de choses, si peu d’elle-même qu’on peine à croire qu’elle en ait un réel ou inventé.

Valentine Revel est une jolie grande brune de 31 ans, bon chic bon teint dont le regard fait immédiatement penser à celui de Louise Bourgoin et la silhouette longiligne à celle de Valérie Lemercier. Je le lui ai dit et elle le sait. Je ne suis pas la première. Mais on parle là de ressemblances physiques et non d’humour. Et de ce côté-là, point de rapprochement possible entre son “univers” et celui des deux actrices.

Comédienne et  co-directrice de La Comédie des 3 Bornes, Valentine Revel  présentait mercredi 21 mars, trente minutes de César, Valentine et les autres, le show qu’elle joue tous les dimanches à 20h à La Comédie des Boulevards. En se glissant dans la peau de la maîtresse de cérémonie de la 35 ème édition des César, Valentine Revel prend un énorme risque. Comment renouveler l’exercice quand Canal Plus, chaîne productrice de l’événement, fait appel depuis une quinzaine d’années à des humoristes et auteurs confirmés tels que Valérie Lemercier, Antoine de Caunes, Alain Chabat, Edouard Baer, Gad Elmaleh pour bousculer et se moquer de ladite cérémonie ? La fine fleur de l’humour a proposé des sketches d’une drôlerie et d’une audace telles qu’on ne voit pas comment être plus fin. D’emblée donc, c’est un sujet casse-gueule que Valentine Revel aurait peut-être dû limiter à un sketch et non étendre à tout un show.

Si la comédienne s’en sort plutôt bien lors des petits intermèdes où le masque de la maîtresse de cérémonie, de plus en plus ivre, se craquelle et laisse apparaître l’âme d’une femme pétrie d’amertume et de jalousie, Valentine peine à asseoir les personnages de sa mère, de l’hôtesse d’accueil en chef et de la bourgeoise versaillaise qui vient d’adopter un enfant noir. Notez bien que cette femme a adopté un enfant noir et non un enfant. Je serais curieuse de savoir combien de mères adoptantes disent : “Tu savais pas ? Maintenant, j’ai un pt’it jaune ou un p’tit noir!”. Promis, la prochaine fois je poserai la question à Josiane Balasko, Catherine Frot, Valeria Bruni-Tedeschi, Sandra Bullock, Angelina Jolie et Madonna…qui ont adopté un enfant noir.

Ce ne sont d’ailleurs pas des personnages que propose Valentine Revel mais des stéréotypes, des figures monolithiques et partant prévisibles qui fonctionnent toutes selon le même schéma : autorité, absence de reconnaissance, frustration, hystérie. Comme si la comédienne ne connaissait que cette note dans la gamme des émotions. A l’arrivée, aucun personnage sympathique ni empathique.

Valentine Revel se trompe  également en pensant que prononcer les mots foufoune ou enculé est subversif. C’est devenu banal depuis que Baffie, Bigard et avant eux Coluche ont fait entrer ce vocabulaire à la radio et à la télé. Et que les filles de l’humour l’ont également utilisé. Et je ne pense pas spécialement à Marianne Sergent ou Axelle Laffont. Alors appeler Foufoune l’animal domestique de la mère n’est pas très drôle puisqu’on devine toutes les situations que ce nom ridicule va engendrer. J’en ai aussi un peu marre d’entendre à tout bout de champ dans les spectacles l’expression “gros pédé” pour faire rire la galerie ! Et vouloir caser à tout prix c’est-à-dire à n’importe quel prix le mot vagin, quand ça n’est pas pensé, conduit à une impasse. Dans le sketch sur Sean Penn, je n’ai pas compris cette réplique : “Une douce bise vient de soulever ma pilosité vaginale”.

Hum, hum, j’ai beau me regarder dans le miroir (comme nous l’a conseillé, lundi, Emilie Deletrez dans l’un de ses sketches invitant à conscientiser son vagin), je n’ai pas trouvé de poils à mon vagin. Je suis dotée d’une pilosité pubienne mais pas vaginale. Alors de deux choses l’une : soit, je ne suis pas tout à fait une femme et mon vagin se trouve à la place de mes aisselles où l’on peut constater, les jours de paresse, la présence d’une pilosité; soit, les femmes ont vraiment une pilosité vaginale et c’est alors qu’elles ont oublié un animal poilu dans cet endroit qui n’est pas fait pour être utilisé comme un terrier. Enfin, pas de façon continue…

Valentine réveille-toi !

Mais en parlant de terrier, je perds du terrain et m’égare. Revenons aux personnages et à celui de la mère hystéro-dieuse de Valentine qui dit, alors qu’elle s’apprête à rencontrer pour la première fois Augustin, son gendre : “Je me suis habillée en Saint Laurent, c’est le plus simple puisqu’il ne gagne pas sa vie…Si j’empruntais une robe à Rosa, la femme de ménage ? Comme ça je serai moche et en plus je sentirai la sueur”. Personnellement, ça m’a laissée de marbre. Tout comme le tête-à-tête au champagne avec Sean Penn (la belle allitération que voilà !) long et sans ressort. On ne comprend même pas quel plaisir la comédienne ressent à transformer Sean Penn en gay pressé de conclure avec le serveur du resto et le chien de celui-ci.

Que penser encore de cette phrase placée dans la bouche d’une actrice remettant un César : “Comme disait Sophie Marceau au Festival de Cannes en 2005, le cinéma c’est chiant…J’ai vu des orphelins d’Afrique noire et dans leurs yeux, il y avait des mouches”. Sous la plume d’Elisabeth Buffet, cette histoire d’enfant d’Afrique aux yeux squattés par les mouches est autrement mieux tournée. Jugez plutôt : “Ma mère aime tellement les animaux que lorsqu’elle voit des petits Africains avec des mouches plein les yeux, elle ne pense qu’à sauver les mouches !”. C’est la mère de Buffet qui est ciblée pas le petit pauvre sub-sahélien. (Au passage, Sophie Marceau à Cannes, c’était en 1999 !)

J’ai eu l’espoir de voir Valentine Revel se resaisir lorsqu’elle a entamé le sketch sur l’hôtesse d’accueil en chef qui a Bac + 12 et s’exclame: “Je suis hôtesse d’accueil mais j’existe”. J’ai pensé que Valentine allait subtilement parler de notre époque où des femmes hyper diplômées végètent et s’étiolent derrière des caisses de supermarché en attendant un job plus conforme à leurs espoirs et leur CV…un peu comme Anna Sam, vous savez cette diplômée en Lettres, auteur d’un blog sur les caissières qui a fait l’objet d’un livre et d’un film Les tribulations d’une caissière ? Las, Valentine Revel se détourne de cette question sociétale pour verser dans l’hystérie commune à tous ses personnages. La mère est hystéro, la chef hôtesse d’accueil est hystéro, la mère adoptante est hystéro… bref tout le monde est hystérique  sauf le public qui désespère de désserrer les mâchoires. Et je ne vous parle pas de sa voisine de palier chef scout bretonne sévère avec les enfants mais évidemment moins avec son sextoy et le curé. Je ne vous en parle pas, car elle n’est pas venue au Ranelagh et qu’il faut aller à la Comédie des Boulevards pour la voir.

Mais le pire était à venir sous la forme d’un sketch dans lequel une bourgeoise versaillaise parle du petit garçon noir qu’elle a adopté en des termes qui ne font pas rire. Ni choquer d’ailleurs. Encore une fois, c’est une question de style. Sous la plume de Bruno Gaccio et Patrick Timsit, ç’aurait été furieusement drôle. Le public du Ranelagh n’a pas ri, pas davantage que celui de la Comédie des Boulevards où j’ai vu le spectacle de Valentine Revel dans son intégralité dimanche dernier. A ce stade, il faut citer le texte  :

-Au début, on avait peur qu’il soit un peu… ben, parce qu’il est noir !

-Il supporte bien les chaussures…c’était pas évident !

-Allez cours ! (Il court vite hein ? Normal!)

-Il a une chevelure difficile à maîtriser, on lui a acheté une perruque blonde Anny d’Avray

-C’est important qu’il garde une connexion avec son pays d’origine. On a enlevé le lit pour mettre une natte et on a peint les murs à la chaux, on a lâché plein de moustiques et on met le chauffage à fond.

-Il adore ramasser les cailloux, sûrement une coutume de chez eux ”  Fin des citations.

Pour conclure, cela s’appelle du CFB, du Comique de Fin de Banquet. Le CFB est un gars ou une fille qu’on trouve drôle parce que le soleil tape, le rosé aussi, qu’on est là et las, et que notre sens critique est complètement anesthésié par les vapeurs d’alcool. On voudrait partir mais on reste pour faire plaisir aux mariés, alors on trouve drôle le CFB à 2h45 du mat’ mais dix heures plus tard, on se souvient davantage de l’arôme du rosé et du goût de la pièce montée que des blagues de l’artiste en mal de rires.

Où sont la distance et la réflexion ? Avec Valentine Revel, on est dans la moquerie, le premier degré, le rire qui divise plus qu’il ne rassemble. Or moi, j’étais venue pour rire AVEC elle !

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