En son nom propre ou derrière l’acronyme Dr AGA, Alix Girod de L’Ain fait se gondoler chaque semaine les lectrices de ELLE depuis quinze ans. Son nouveau roman «Un bon coup de jeune» (Ed. Anne Carrière) est à son image : frais, léger, pétillant et savoureusement drôle. Parce que cette fille me secoue le squelette depuis quelques lustres, j’ai voulu savoir ce qui la faisait rire, elle.
Je vous l’avais dit : les femmes les plus drôles ne sont pas forcément sur scène. Certaines ont choisi d’autres espaces d’expression comme les pages des magazines. C’est le cas d’Alix Girod de L’Ain qui, en matière d’humour, est l’une des filles les plus désopilantes de la presse féminine. Les plumes de sa trempe ne sont pas légion et se comptent même sur les doigts d’une main. On peut pondre de grandes enquêtes sur les pesticides, la Syrie, être un très bon investigateur rien n’est plus difficile que de rédiger un papier d’humeur et ce qu’on appelle des “psycho-rigolo” (ces articles qui partent d’un sujet sociétal voire psy et qu’on dédramatise pour en rendre le message léger et accessible). Dans mon panthéon des filles tordantes (et pour certaines assez tordues!) qui ont choisi le papier, il y a, au côté d’Alix Girod de L’Ain, Laurence Cochet (ex-Cosmo et aujourd’hui à Marie-France, une plume doublée d’une femme exquise avec qui j’ai eu la chance de travailler), Qu’est-ce qui fait rire Alix Girod de L’Ain ? (ex-Cosmo, aujourd’hui à ELLE et rédactrice en chef de daily ELLE), Fiona Schmidt (ex-Cosmo et aujourd’hui à Be et dont je vous reparlerai bientôt) et depuis quelques saisons Inès de La Fressange (Votre Beauté). Des copines ont bien essayé de me convertir à la page Sexy Blog de Voici alimentée par Marion Michau, mais je n’accroche pas et regrette plutôt que des journalistes comme Sylvie Overnoy (directrice de la rédaction de Cosmo) n’écrivent plus que des éditos (quand elles ne craquent pas devant la plastique de Matt Pokora, dans le supplément du numéro de mai) et que Christine Bravo (ex-ELLE) ait reposé son stylo. A l’occasion de la parution d’un roman déridant consacré à la chirurgie esthétique, LBFQR a posé quelques questions à Alix Girod de L’Ain, la plus marrante des journalistes de la presse magazine.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Quelle est votre définition de l’humour ?
ALIX GIROD DE L’AIN. L’humour, c’est ce qui tient à distance (les emmerdements) et rapproche en même temps (les gens).
LBFQR. Qu’est-ce qui vous fait rire depuis toujours ?
AGA. Eloïse, la BD culte de mon enfance (ma fille s’appelle comme ça du coup) Woody Allen, Sylvie Joly et au dessus de tous, Pierre Desproges, que j’ai eu la chance de voir en scène quand j’étais étudiante.
LBFQR. Quels humoristes de la nouvelle génération vous font rire ? Pourquoi ?
AGA. Alex Lutz, Thomas VDB, Daniel Morin, Bérangère Krief, Valérie Lemercier aussi, évidemment, même si je ne sais dans quelle génération la placer, elle me semble très moderne. D’une façon générale, je trouve la nouvelle génération très douée, meilleure que l’ancienne je dirais. Ceux qui me font rire ont toujours deux qualités : ils sont pertinents et jamais putassiers (dire du mal de losers, je ne supporte pas). Surtout, ils écrivent bien. C’est quand même la base.
LBFQR. Quelle est l’histoire (pas) drôle qui ne fait rire que vous ?
AGA. Je n’en ai pas.
LBFQR. Qu’y a-t-il de plus drôle dans votre personnalité ?
AGA. Je suis fréquemment défiltrée, je n’ai pas peur des gens ni des choses. Ça m’a joué des tours dans le passé mais maintenant je contrôle mieux.
LBFQR. Vous écrivez des articles drôles, êtes-vous aussi drôle dans la vie quotidienne ?
AGA. Il faut demander aux autres… Avec mes chefs je suis charmante et joyeuse parce qu’elles me payent pour ça. D’après mes enfants, je suis une giga-emmerdeuse parce que je suis stricte mais je fais marrer leurs copains, ils ont du mal à me détester. Pour mon mari, je viens de lui poser la question, il a fait son petit rire gêné, et répondu “tu es piquante et surprenante” mais drôle, il ne l’a pas dit.
LBFQR. Réussit-on à «écrire drôle» parce qu’on est réellement drôle dans la vie ou parce qu’on a une certaine maîtrise des techniques de rédaction ?
AGA. Les techniques de rédaction, c’est du bullshit, ça consiste en général à copier les autres, tout ce que je déteste. Evidemment que c’est exclusivement une question de personnalité. Très peu de gens arrivent à faire de bons papiers d’humeur, ça a l’air facile mais c’est ce qu’il y a de plus dur. Je donne des cours au CFJ, meilleure école de journalisme paraît-il, sur une promo de 20, je dirais qu’il y en a 1 ou 2 qui m’ont rendu des papiers publiables. C’est pas du tout un truc de génie, c’est juste que très peu de gens ont l’esprit qui colle avec ça…
LBFQR. Vous est-il arrivé d’avoir à tomber un papier plein d’humour alors que vous traversiez une période difficile émotionnellement ?
AGA. Oui, bien sûr. Dans ce cas-là, on se replie, non sur des techniques qui n’existent pas, mais sur l’expérience, son artisanat comme je dis souvent. Au final le papier est pas génial mais il peut sortir, de toutes façons on n’a pas le choix.
LBFQR. Avez-vous été influencée par un(e) journaliste au moment où vous avez décidé d’écrire des papiers drôles et légers, ce que dans le jargon, on appelle des “psycho-rigolo”?
AGA. Je tétais Cosmo quand j’étais ado : les papiers de Sophie Fontanel, Joëlle Goron, Sylvie Overnoy m’ont donné envie de faire ce métier.
LBFQR. Quels sont vos auteurs tous genres confondus préférés ?
AGA. Balzac au dessus de tout. Edith Warthon, Jane Austen, je reviens toujours vers eux.
LBFQR. On me dit souvent que les personnes drôles sont de grands névrosés. De quelle(s) névrose(s) se nourrit votre plume ?
AGA. Je ne supporte ni la maladie ni la tristesse et je suis hyperactive : ça me permet d’écrire vite, n’importe quoi pour tenir le chagrin à distance.
LBFQR. Vivez-vous la mission de faire rire chaque semaine comme une pression ?
AGA. Bien sûr. Mais j’ai appris à ne pas m’affoler si je ne suis pas inspirée ou que j’ai le sentiment d’avoir déjà écrit 200 fois la même chose. Je sais que c’est cyclique.
LBFQR. Quand votre chef vous dit «essaie de faire un papier drôle à partir de ce sujet». Qu’est-ce qui est plus difficile à entendre: le verbe essayer ou l’adjectif drôle ?
AGA. Jamais mes chefs ne me parleraient comme ça ! La pression qu’elles me collent est plus subtile, elles disent: “On a besoin de rigoler, on compte sur toi”.
LBFQR. Quand on a la mission de faire rire chaque semaine, de quoi se nourrit-on pour se renouveler ?
AGA. On ne se renouvelle pas. On écrit toujours la même chose, mais pas exactement pareil. Pour ce qui est du carburant, je mange tous les médias que je peux, tout le temps.
LBFQR. Vous écrivez beaucoup, vous abattez un travail considérable. Comment faites-vous pour tenir le rythme ?
AGA. Je ne pense pas travailler tant que ça : un ou deux papiers par semaine, c’est pas le Pérou du journalisme ! Franchement, à part à des périodes précises (écriture d’un roman ou d’un scénario en plus du reste), je ne suis pas un bourreau de travail. Moi, ce sont les autres qui m’étonnent, ceux qui supportent de passer des heures en réunion ou au téléphone : je travaille chez moi, personne ne me dérange, je vais vite.
LBFQR. Etes-vous du genre anxieux au moment de rendre les pages du Dr AGA malgré une certaine expérience ?
AGA. Non. Je travaille pour ELLE depuis 1997, ça va, j’ai de la bouteille ! Je n’ai plus peur.
LBFQR. Quel article a généré le plus d’angoisse (peur de ne pas faire rire, d’être à côté…) ?
AGA. M’y remettre après la naissance de mon troisième enfant. J’avais le sentiment de ne plus savoir et de ne plus pouvoir écrire quoi que ce soit, même un chèque.
LBFQR. Comment réagissez-vous lorsqu’on dit, en votre présence, «Tu connais Alix, c’est la fille la plus drôle que je connaisse !». Qu’éprouvez-vous en entendant cela ?
AGA. J’ai entendu ça une seule fois, d’une copine qui devait avoir 4 gr d’alcool dans le sang à cet instant. Ça m’a donc fait rigoler d’être la star des borrachas (Ndlr: bourrées, en espagnol) !
LBFQR. Qui vous a fait gagner vos lettres de drôlesse ?
AGA. Un instinct de survie, j’imagine. C’était mon domaine, celui où je me sentais légitime. Après, il y a eu des gens qui croyaient en moi, Anne Carrière mon éditrice, Catherine Roig et Véronique Philipponnat de ELLE, William Leymergie, Philippe Labro… J’ai eu pas mal de “fées bleues” mâles ou femelles, dans ma vie !
LBFQR. A quel âge avez-vous pris conscience de votre potentiel comique ?
AGA. Vers 4 ans j’imagine, au moment des premiers vrais souvenirs. Je faisais marrer mon père, qui pourtant n’était pas souvent en forme.
LBFQR. Avez-vous déjà songé à monter sur scène ? Vous l’a-t-on proposé ?
AGA. On me l’a proposé mais je ne le ferai jamais. Je déteste qu’on me regarde, ça risque pas !
LBFQR. Quand, où et pourquoi avez-vous ri la dernière fois ?
AGA. La dernière fois que mon petit garçon a ouvert la bouche pour dire une énorme connerie c’est-à-dire il y a cinq minutes et je sais que ça recommencera dans cinq minutes. De mes trois enfants, c’est le plus défiltré. Il est gonflant mais très original et hilarant. Je suis épuisée mais ravie de le connaître.
LBFQR. Quelle est votre humoriste femme préférée ?
AGA. Sylvie Joly, c’est une pionnière. C’est LA pionnière. Je connais encore son sketch Catherine par coeur.
LBFQR. Quel est votre humoriste homme préféré ?
AGA. J’ai récemment re-découvert Patrick Timsit. Il était trop méchant pour moi avant, mais là, il est devenu excellentissime; parce que ses cibles ne sont pas faciles. Ce qu’il dit des femmes est irrésistible et gonflé.
LBFQR. Pensez-vous qu’il y a un humour féminin et un humour masculin ?
AGA. Je ne crois pas, non.
LBFQR. Quelle personne de votre entourage pas nécessairement connue du public vous fait mourir de rire ?
AGA. Paulo, mon petit dernier. Son père est assez marrant aussi, dans un genre Mr Bean.
LBFQR. Quel est votre film comique préféré ?
AGA. Peut-être “Rien que pour vos cheveux”. Ou alors un Ben Stiller, “Zoolander”…Ou aussi Sacha Baron Cohen (Ndlr: réalisateur et acteur principal de Borat, Brüno et, bientôt dans The Dictator), je suis hyyyper fan. Et évidemment les Monty Python, la bible de ma jeunesse.
LBFQR. Quel livre (roman, théâtre, BD, poésie…) vous fait rire ?
AGA. Les livres de David Sedaris, j’adore.
LBFQR. Quelle est votre réplique drôle préférée ? (citation de film, livre, sketch…)
AGA. Dans Le Dernier métro de Truffaut, Depardieu dit : “Il y a deux femmes en vous”. Andréa Ferreol répond : “Peut-être mais ni l’une ni l’autre n’a envie de coucher avec vous”. J’aime quand on s’attend pas à rigoler, mais si, on rigole quand même.
LBFQR. De quelles personnes (connues ou non) aimez-vous entendre le rire et pourquoi ? `
AGA. Le fou rire de n’importe quel bébé me met en transes. Et aussi le rire de Dominique Farrugia, c’est comme ça que les orques doivent se bidonner je pense.
LBFQR. Si vous deviez partir sur une île déserte quels humoristes emmèneriez-vous avec vous ?
AGA. Je n’emmènerais pas d’humoristes mais des côtes de boeuf.
LBFQR. Si vous deviez vous réincarner en humoriste dans la peau de qui voudriez-vous renaître ?
AGA. J’ai observé que plus ils sont drôles plus ils sont malheureux, je prendrais donc un humoriste pas drôle. Titoff ? Le marseillais de la pub pour les pneus ? J’hésite.
LBFQR. Pensez-vous qu’on puisse rire de tout ?
AGA. Je pense qu’il FAUT rire de tout.
LBFQR. Qu’est-ce qui ne vous fait pas rire du tout ?
AGA. Les humoristes qui font la messe, qui vous disent pour qui voter, qui décrètent qui est con ou pas. C’est insupportable. J’en suis gênée pour eux. Mais ils cartonnent en ce moment, donc j’ai certainement tort.
Où retrouver Alix Girod de L’Ain ?
En librairie : “Un coup de jeune” (Editions Anne Carrière).
A la radio: tous les dimanches à 11h sur Europe 1 dans “Il n’y en a pas deux comme ELLE”
Dans la presse: dans ELLE, en kiosque tous les vendredis.