Le Festival de Cannes est-il sexiste ? C’est la question que m’a posée Frédéric Taddéi pour Newsring, “site de débat ouvert aux internautes et plate-forme d’échange d’idées”. Voilà ce que j’ai répondu.
Dommage qu’on crée une fausse polémique ! Ce qui serait sexiste, ce serait d’imposer des femmes !
Qualifier de sexiste la sélection 2012 Festival de Cannes est une aberration qui fait reculer le débat des féministes !
Cannes sexiste ? Cela voudrait dire que Thierry Frémaux, Délégué général du Festival, et son équipe ont exclu des réalisatrices de leur sélection simplement parce qu’elles étaient des femmes. Je crois simplement qu’on peine à trouver autant de femmes réalisatrices que d’hommes. Sur les 50 films annoncés en mai dans le Film français n°3474, seuls 10 sont réalisés par des femmes. A qui la faute ?
Et la question n’est, dès lors, pas à poser aux instances du Festival mais à la source, c’est-à-dire à la formation. Combien y a t-il de réalisatrices en France, en Europe et dans le monde ? Combien de femmes sont sorties diplômées ou simplement formées d’une école comme la Fémis en 2011 ? Combien ont-été, sans forcément “faire ” une école, assistantes-réalisatrices, l’un des postes qui vous mènent à la réalisation ? Quelles difficultés les réalisatrices rencontrent-elles lorsqu’elles veulent monter un film ? Ressentent-elles de la discrimination lorsqu’elles sollicitent des producteurs, du fait qu’elles soient des femmes et qu’on les suppose moins compétentes ? Voilà les vraies questions. Elles sont à poser à la source et non à l’arrivée (le Festival n’est pas partie prenante dans le processus de création des films).
Une querelle sans fondement qui en occulte d’autres.
Cette querelle est son fondement et sera peut-être à l’origine d’autres qui tôt ou tard vont émerger. Un exemple stupide ? Pourquoi le milieu de la mode, précisément la haute couture et le prêt-à-porter, portent-ils à la tête de leurs maisons beaucoup plus d’hommes que de femmes ? Doit-on traiter Bernard Arnault (propriétaire des marques Christian Dior, Louis Vuitton, Givenchy, Céline, Kenzo…) et François Pinault (Gucci, Yves Saint-Laurent, Balenciaga, Bottega Veneta, Alexander McQueen, Stella McCartney…) de sexistes ? Non. En matière de création artistique, on ne peut comparer ni les œuvres ni les artistes…alors qu’on peut le faire entre le travail d’un homme et celui d’une femme dans une entreprise et protester contre le fait qu’à compétences égales une femme ne soit pas souvent rémunérée comme son collègue masculin. Prétendre que le Festival est sexiste, eh bien c’est introduire du sexisme en lui suggérant d’imposer des femmes dans sa sélection non pas parce que leurs œuvres méritent d’être vues par une large audience mais simplement parce que ces femmes sont des femmes. Je trouve beaucoup plus intéressants le combat des Israéliennes descendues dans la rue, le 4 mai dernier à Jérusalem pour la “Marche des salopes” et l’initiative de Kate Teegarden et sa manif du 28 avril baptisée Unite women à laquelle s’est jointe Erin Matson de NOW (National Organization for Women), la principale organisation de défense des droits des femmes aux USA. Les premières protestaient contre les violences dont elles sont victimes et le discours sexiste qui vise à les légitimer. Les secondes s’étaient réunies devant le Capitole à Washington et dans les rues principales de 45 états pour dire “stop à la guerre contre les femmes”. Dans les deux cas, il était question de condamner les violences faites aux femmes, défendre le droit à l’IVG et à la pilule, lutter contre le sexisme. Deux protestations légitimes en réaction à des choses insoutenables.