La première fois que j’ai vu Jean Dujardin dominant une partie de jambes en l’air sur une colonne Morris (Morris n’étant pas le prénom de sa partenaire de jeu), j’ai trouvé ça très culotté. Je n’ai pourtant pas été choquée par ce poster annonçant la sortie (le 29 février) du film Les Infidèles. Je me suis simplement demandé si dans cette position la femme sans tête, et donc sans expression, ne regardait pas davantage ses chaussures que la tête de Dujardin qu’elles encadrent. Pourquoi s’en priverait-elle puisque même Dujardin a les yeux rivés sur ses jolies pompes rouges ? Moi, à la place de cette FST (femme sans tête), j’aurais pensé : «J’ai fait une super bonne affaire ! Elles sont beeeeeeelles mes chaussures! Faudrait que je les réessaie sans le mec au milieu». J’entends tellement de femmes dire qu’elles se damneraient pour une paire de souliers que je peux concevoir qu’elles préfèrent prendre leur chaussures que prendre leur pied !
Regarder et ranger des pompes plutôt qu’en faire, that is the question.
Quand je regarde les couv’ d’hebdos comme Be et Grazia, j’ai l’impression que nous n’avons qu’une préoccupation dans l’existence : acquérir de nouveaux sacs (les fameux it-bags), et collectionner des shoe-shoes par milliers. J’en connais qui ont dormi avec leurs premiers escarpins Pigalle de Louboutin, d’autres qui ont annulé un dîner avec un homme qu’elles “kiffent grave” pour passer la soirée à (ré)essayer et ranger toutes leurs pompes. Regarder et ranger des pompes plutôt qu’en faire, that is the question. Que celle qui ne l’a jamais posée me jette la première paire ! Magalie, une collègue, m’a même dit un jour : «J’préfère passer une soirée à la maison avec mes chaussures que je connais plutôt que risquer de me faire ch… avec un mec que j’connais pas ! ».
Ces mêmes femmes vous percent le tympan de leurs cris hystériques quand elles essayent des Nicholas Kirkwood, Rupert Sanderson, Manolo Blahnik, Gianvito Rossi, Roger Vivier…Et tous les hommes, qui par malheur les suivent plus qu’ils ne les accompagnent “en shopping”, devraient sérieusement s’inquiéter de les voir en état quasi orgamisque, en public et habillées, plus souvent que lorsqu’elles sont avec eux nues dans un lit. Alors franchement, quand j’ai vu Dujardin entrer en réunion,j’ai pensé à tout sauf à la dégradation de l’image de la femme. LA femme, comme ils disent. Personnellement, j’ignore ce qu’est LA femme. Je connais Des femmes et peut-être LES femmes mais pas LA femme.Alors, LA femme a cent autres occasions d’être dégradée malgré elle quand ce n’est pas par elle-même. C’est pour cela que je ne comprends pas l’emportement d’Eliette Abecassis dans le HuffPo. Dans un billet intitulé Les infidèles ou les infects ?, l’écrivain disait ceci : «Ce que l’image donne à voir, c’est que c’est “cool” de traiter les femmes comme des putes ou comme des connes, parce que l’homme dans sa virilité se doit de le faire. Jean Dujardin et Gilles Lellouche sont beaux, sympathiques, bien habillés, ce sont des mecs branchés avec qui on a envie d’être amis, et c’est donc en adhérant à leurs personnages que l’on se doit d’adhérer à leur valeur, qui n’est pas l’infidélité mais le mépris de la femme».
Une femme qui bouche-braguette un homme n’est pas une pute !
Je ne vois pas en quoi une femme qui “entre en réunion” avec un homme ou joue à le bouche-braguetter est une pute. Quand à celle, à l’autre bout du fil, qui entend ses mensonges, ça n’est pas une conne mais une femme mal informée. Et là où Eliette Abécassis condamne «le retour du machisme, de la domination masculine», eh bien, moi je vois simplement deux personnes engagées dans un rapport que l’on devine consenti et, je l’espère, apprécié.
Désolée pour les féministes mais c’est Dujardin l’homme-objet !
Alors en re-re-re-matant Jean Dujardin qui entre en réunion, j’ai pensé : «Waouh, culottée, la nana, d’avoir pris cette photo !». Car cette affiche ne raconte pas autre chose : si la citation «Je rentre en réunion» est bien un avis masculin clairement associé à Dujardin; la photo, elle, est prise du point de vue d’une femme qui s’en amuse. Désolée pour les féministes, c’est Dujardin l’homme-objet ! C’est lui qui est soumis et c’est lui dont la photo circulera sur les portables des copines de cette femme sans tête et sans complexe. Une femme qui twittera à ses copines «Mate mon dernier plan. J’suis grave accro ! Tu vas m’détester …Des escarpins rouges vernis de chez X soldés, soldés, devine !» Ou «Mate l’accessoire sur pattes que j’ai trouvé pour aller avec mes pompes!». Ou encore : «Regarde comme je l’ai bien cadré ce con ! T’as vu c’qu’on obtient avec un Smartphone ? Finalement, c’est moi Ze Artitst !». Oui, ce qui importe à cette femme, ce n’est pas tant le beau mec qu’elle a chopé mais certainement les shoes qu’elle a shoppées.
L’art de tailler la conversation ?Quand j’ai vu ensuite Gilles Lellouche dans une posture qui laisse bouche bée...je me suis demandé si j’allais découvrir d’autres posters-teasers. N’ayant vu que des hommes-trompeurs, j’attendais donc avec impatience la photo d’une femme prise en flagrant délit/délire de mensonge. Je l’imaginais chevauchant un homme (dont on aurait évidemment dissimulé la tête), portable vissé à l’oreille et disant à peu près ceci : «J’te l’ai déjà dit : le lundi, c’est le jour où je saute un repas». Evidemment, cette femme ne serait que partiellement dénudée. Si Lellouche et Dujardin n’ont mis à nu que l’essentiel (voir la Une de Première en fin d’article), pourquoi s’embêterait-elle à tomber la blouse et défaire son soutien-gorge ? Je la vois bien, moi, cette femme en amazone sur cet homme sans visage. Hum, ça m’excite même ! Et franchement ça ne m’aurait pas gênée qu’un homme soit comparé à un “repas” quand des femmes sont des “tunnels” ou des “réunions”. Autre photo possible ? Attention, je risque de faire dans le macramé ! Si vous préférez, je n’vais pas faire dans la dentelle ! Autre photo possible, donc : une femme et un homme ventre contre ventre… et toujours ce portable qui transmet l’essentiel : «Rappelle-moi plus tard, je vais faire entrer plombier, là». Vous la trouvez vulgaire celle-là ? Ni plus ni moins que les commentaires que cette “polémique” a générés. La vulgarité, c’est la confusion des genres et la mauvaise définition des choses. Et pour moi, la polémique lancée à propos des affiches du film Les Infidèles me semble plus sexiste que les affiches elles-mêmes !
Une scène de porno qui est un vrai signe de soumission et de contrainte.
On a parlé d’image dégradante de la femme. Ce qui aurait été dégradant, ç’aurait été de voir Gilles Lellouche la main sur la tête de la femme à la bouche très occupée. Une scène incontournable des pornos et qui est un vrai signe de soumission et de contrainte. Ça enquiquine les filles, ça ravit les mecs. Et la seule fois où j’en ai ri, c’était il y a une dizaine d’années dans un article du magazine Perso, alors dirigé par Sophie Fontanel et dans lequel la chanteuse Zazie déclarait non sans humour que ce qu’elle détestait le plus dans les rapports sexuels : c’était qu’on appuie sur sa tête. Mais revenons à Gilles. Je n’ai pas vu cette photo sur les murs mais peut-être fait-elle partie de celles que JC Decaux a refusées ? Interrogé sur les “scandaleuses” affiches qu’elle a dû retirer, la société d’affichages JC Decaux a déclaré au Parisien-Aujourd’hui enFrance: «Elles ne sont pas de bon goût, c’est vrai. Nous avons déjà refusé d’autres visuels pour ce film, qui ne nous paraissaient pas publiables. Nous avons accepté ceux-là car ils sont humoristiques et que c’est le sujet du film. ».
Ce qui est sexiste c’est de laisser croire que l’infidélité est l’apanage des hommes.
Je n’en doute pas un instant et il suffit de visionner les teasers des Infidèles sur le Net pour s’en convaincre.
[youtube http://www.youtube.com/watch?v=nNMaSzynM6I&w=560&h=315]
Il y en a un très drôle avec Guillaume Canet, un préservatif et un chien. Bon, dit comme ça, on pourrait croire que Canet et le canin donnent dans la zoophilie. Ce qui constitue aussi une forme d’infidélité et d’irrespect à l’égard de la femelle du chien dont on ignore si elle a reçu un coup de fil, elle. Il y a un autre teaser très très osé entre Gilles Lellouche, un médecin qui l’ausculte et une femme qui aide à l’auscutation… Mais tous s’articulent autour du même propos : l’infidélité masculine et uniquement au masculin ! Ce que les deux affiches ne précisent pas. Et ça change tout ! Et moi, désespérée de ne pas voir une femme à cheval sur un homme, je suis montée sur mes grands chevaux en hurlant : «Oui, cette photo est sexiste, mais surtout envers les hommes ! Ce qui est sexiste : c’est de laisser entendre (et en tout cas de laisser montrer) que l’infidélité est l’apanage des hommes. Ce parti pris qui nous enferme dans le statut de pauvres victimes qui subissent, patissent et compatissent…snif. Désolée mais la femme qui fellationne Gilles Lellouche m’a l’air très consentante, et très pressée elle aussi puisqu’elle a gardé son chignon! »
C’est en ouvrant le magazine L’affiche du film Les Infidèles(page 49, mars 2012) dont la couv’ est consacrée au film que j’ai lu «Les Infidèles épingle l’adultère masculin avec un humour féroce et une lucidité tranchante». Du coup on comprend mieux ces affiches à l’humour un peu bourrin, humour qui existe, je vous rassure, aussi dans sa version féminine. Et si je peux me permettre une dernière remarque: ce qui est vraiment vraiment sexiste c’est finalement (et inconsciemment) d’illustrer avec ces deux photos une opinion que les femmes véhiculent sur les hommes depuis des lustres : les hommes seraient incapables de se concentrer et de faire deux choses en même temps. Quand ils essaient, ils en bâclent toujours une. Et là, avec Lellouche et Dujardin, on a la preuve par l’image : ces mecs mentent très très mâles !
Ces deux-là n’ont vraiment pas froid aux œufs !
4 réponses à L’affiche du film Les Infidèles est sexiste ? Oui, mais surtout envers les hommes !