Fred Trémège, très bon, très bien, très drôle.

Fred Trémège, comédien inspiré joue Enfin visible, au Point-Virgule, un show époustouflant qu’il faut absolument voir les 29 septembre et 29 octobre à 20h.

Fred Trémège

Je parle peu des humoristes hommes sur ce blog sauf quand j’ai vraiment un coup de cœur. Enfin visible  fut l’une des belles surprises de mon été parisien et  j’aimerais vraiment qu’elle se prolonge cet automne.  Si d’aventure ce post avait quelque influence… Je compte sur vous.  Car Enfin visible est un show drôle, intelligent, caustique et Fred Trémège le sert avec une belle énergie contrôlée qui fait la signature des grands artistes.

Dans cette salle du Point-Virgule où défilent de plus en plus d’artistes dédiés au stand-up, c’est un vrai plaisir de découvrir un auteur et comédien qui ne craint pas de proposer des sketches, d’installer des personnages et d’interroger la société dans laquelle il vit plutôt que d’astiquer son nombril en cédant à la mode ambiante. Trémège, Toulousain de 42 ans, place son exigence au-delà du simple jeu de mots et de la vanne facile. C’est un auteur habité et forcément un peu militant pour qui chaque parole est porteuse d’une idée et d’une vérité à défendre.

Le comédien entre sur la scène du Point-Virgule vêtu d’un costume trop grand -comme tous les clowns. Manière de signifier que rien ne (lui) va dans ce monde taillé à la démesure de certains et dans lequel d’autres se noient, se perdent, se battent pour survivre. Ces contours trop larges avec lesquels Trémège n’arrive pas à faire corps sont ceux de l’ultra-libéralisme qui pousse au culte de la performance, du nombrilisme, de l’arrogance, d’une certaine bêtise et de la vulgarité. Un monde déséquilibré dont les poètes sont les chasseurs. Tellement déséquilibré qu’on introduit au travail, terrain peu propice à l’amusement et à la rigolade, des simulacres de jeux d’enfants.

Car Enfin visible s’ouvre  sur un jeu de cour de recré (1,2, 3 soooleil !) appliqué au monde du travail et utilisé comme méthode de recrutement. Sous la patte de Trémège, recruter, ça n’est pas choisir la personne dont on a besoin mais s’amuser à exclure, diviser et au passage humilier ceux dont on ne veut pas -une sorte de casting cruel qui est d’ailleurs le lot de nombreux comédiens. Suivent donc des tests d’évaluation comme cette lettre de motivation des plus démotivantes, des jeux de rôles qui en disent long sur le recruteur et si peu sur les postulants. A moins qu’ils ne se rebiffent…

Tout le show navigue entre portraits de ceux qui se conforment à ce monde et s’y complaisent et ceux qui s’en détachent par nécessité ou accident. Le sketch du  super patron de l’année, celui du chasseur Roger, membre de l’Amicale des Chasseurs de la Gaillarde, pour qui tout est «profond, calme et grave», celui du politicien empêtré dans la langue de bois sont à se tordre. On s’amuse de la lettre que Beigbemoix -écrivain qui «travaille à être célèbre (…) et écrit des livres qui se vendent»- adresse à Derrida, des animateurs de télé trop pleins de la vacuité des émissions qu’ils présentent (“J’ai râté un épisode”, “Le droit de tout voir”). On se régale de l’histoire de «cette main qui tous les soirs à 20h frappe les plus riches de notre monde, nasdaqophiles compulsifs et autres obsédés du Nikkeï»…C’est plein d’idées, de belles inventions qui ne se contentent pas d’être belles mais sont porteuses de sens. La charge est féroce mais jamais indigeste. C’est drôle et souvent brillant. Et même s’il y a bien une ou deux facilités, on ne saurait en tenir rigueur  au comédien tellement l’ensemble est cohérent et ficelé.

Au total, dix sketches incisifs écrits à la pointe du stylo et qui lacèrent ce costume trop grand, métaphore d’un monde overdosé, pour tenter d’en redessiner la silhouette et lui donner une taille plus humaine. J’ai quitté le Point-Virgule, avec le sourire et le sentiment d’avoir partagé un grand moment. Ah, j’allais oublier la bande-son judicieusement choisie…mais plutôt que d’en parler, le mieux serait de vous encourager à aller l’écouter en regardant Enfin visible qui est également enfin audible.

Le Point-Virgule : 7, rue Sainte-Croix de La Bretonnerie, 75004 Paris. Tél : 01 42 78 67 03.

ATTENTION: L’affiche ci-contre n’a pas été réactualisée. Les dates sont : ce soir , 29 septembre à 20h et le lundi 29 octobre à 20h


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