Bérengère Krief fait se tordre de rire, depuis plusieurs mois, un public de plus en plus nombreux au Point-Virgule. Et si son show est souvent qualifié de “très girly”, les hommes dans la salle ne boudent pas leur plaisir et pas seulement parce qu’elle est le joli “plan Q” de Bref. Que demandez de plus ?
Bérengère Krief est partout ! Au Point-Virgule seule dans un one-woman-show éponyme qui fait salle comble ou avec ses copines Anne-Sophie Girard, Nadia Roz et Christine Berrou et parfois Sony Chan dans Le Connasse Comedy Club, également au Point-Virgule, à raison d’un rendez-vous mensuel. Jusqu’en mai, on pouvait également l’applaudir dans le spectacle d’impro Les Colocataires et la semaine dernière, elle présentait huit minutes de son show au Maroc dans le cadre du Marrakech du Rire où Jamel l’a invitée. Une expérience inédite pour cette trentenaire originaire de Lyon qui n’avait jamais joué hors de l’Hexagone. Forte de ce succès, la comédienne qui tient également le rôle du “plan Q” de la série Bref, sur Canal + inaugurera en septembre Le Grand Point-Virgule, la nouvelle salle que le producteur Jean-Marc Dumontet vient d’acquérir à Montparnasse en lieu et place du cinéma Le Gaumont-Bienvenüe.
“Malgré moi et même quand je suis sincère, finalement, je transmets ce truc de l’humour”
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous faites salle comble au Point-Virgule, seule et avec le Connasse Comedy Club (qui reprendra en septembre), Les Coloc’ ont bien marché, Bref cartonne et Jamel vous a emmenée avec lui à Marrakech. Comment vivez-vous cette année exceptionnelle ?
BÉRENGÈRE KRIEF. Je vis ça plutôt bien. C’est la première fois que je joue mon spectacle à l’étranger donc j’apprécie de pouvoir le proposer à un public qui ne me connaît pas forcément. Ça implique de se remettre en question, de travailler autrement, de revoir certaines références qui sont peut-être naturelles pour moi mais pas évidentes ailleurs. Ça implique surtout de se renouveler et c’est ce que j’aime dans ce métier. Etre invitée à Marrakech par Jamel, c’est plutôt bien parce qu’à un moment donné je croise la route de gens qui m’ont donné envie de faire ce métier. Je me dis : «C’est cool, j’y suis !», et c’est plutôt flatteur ! C’est que ça avance doucement mais sûrement. Cette année a été juste trop cool en fait.
LBFQR. Quels artistes vous ont donné envie de faire de la scène ?
B.K. Jamel, j’aime beaucoup ce qu’il fait. Classiquement, je dirai Florence Foresti parce qu’effectivement pour une femme on se dit que c’est possible, ça donne envie. C’est vrai qu’on est très admiratif du travail des mecs mais les femmes, il n’y en a pas beaucoup !
LBFQR. C’est tout l’intérêt de ce blog !
B.K. Elie Semoun, Franck Dubosc que j’ai vu sur scène. Tous ces gens-là m’ont donné envie de faire du spectacle. Je pense qu’on se créé son propre humour mais moi, c’était surtout la discipline qui me plaisait. Le fait d’être seule sur scène avec une salle qui rit c’est ce que je voulais faire. Aujourd’hui, je le fais donc, je suis contente.
LBFQR. Quelle est votre définition de l’humour ?
B.K. Ah, c’est compliqué ! C’est un état d’esprit. Moi, j’ai toujours eu envie de transmettre par l’humour une histoire, une anecdote…Faire passer les choses par l’humour, c’est un état d’esprit, une façon d’être qui est importante. Je pense que c’est global à une personne qui s’exprime par ça.
“J’avais envie de faire comme ceux que j’ai admirés et d’être seule sur scène”
LBFQR. Quand avez-vous eu conscience de votre potentiel comique ?
B.K. La révélation de mon potentiel comique s’est faite, et l’anecdote est véridique, pendant un cours de théâtre. J’avais genre 13-14 ans et je répétais avec la même troupe à côté de chez moi, à Lyon. On voulait monter un spectacle et on faisait toujours des spectacles un peu rigolos et là, mes copines de 15 ans ont dit : «Non, mais on va faire un truc pas marrant!». On a dit : «OK, on va faire La maison de Bernarda Alba de Federico Garcia Lorca». Cette pièce, c’est vraiment un truc pas marrant ! On teste, chacune fait un peu des essais pour savoir qui va faire quoi; et moi, je lis un texte hyper sérieusement et sincèrement pour le rôle d’une des filles. Et là, la prof de théâtre réagit comme ça : «Ah, ah, ah, non, laisse tomber Bérengère tu vas faire autre chose!». Et j’ai eu le rôle de la grand-mère folle (Ndlr : Maria Josefa, mère de Bernarda qui a déjà la soixantaine) qui n’est pas du tout marrant mais qui a été une espèce de sketch à l’intérieur du spectacle. Donc, je me suis dit que même malgré moi et même quand je suis sincère, finalement,je transmets ce truc de l’humour. C’est là que je me suis dit qu’il faut peut-être que je fasse ça pour l’instant. Ce jour-là, c’est devenu déterminant de faire rire.
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LBFQR. Parce qu’initialement vous vous imaginiez plutôt tragédienne ?
B.K. En fait, je ne me voyais pas. Je voulais juste faire du théâtre donc j’avais pas décidé d’être marrante ou pas. Après, c’est en grandissant et en travaillant que je me suis rendu compte que faire rire c’est ce que j’aimais et que c’était une de mes facilités. Je voulais faire de la comédie, je voulais faire de la tragédie, je voulais jouer en fait.
LBFQR. Dans quels rôles vous distribuait-on dans les cours de théâtre ?
B.K. Je faisais les jeunes premières mais je m’ennuyais un peu et je préfère faire un truc marrant. Je faisais les jeunes premières et à un moment je me suis demandé : «Où je suis ? Qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que je peux faire ?». Je ne me suis jamais arrêtée et j’ai fait beaucoup de choses : du classique, du contemporain, des créations…J’avais vraiment envie de jouer ! Après, c’est en grandissant, en évoluant dans le métier que je suis revenue à mon premier amour : le one-man-show, ça me faisait vibrer. C’est quelque chose qui m’a toujours attirée. J’avais envie de faire comme ceux que j’avais admirés et d’être seule sur scène. C’est dur de l’accepter et de s’y mettre, mais ça y est, maintenant.
LBFQR. Certains artistes m’ont avoué être montés seuls sur scène faute de trouver des projets collectifs. C’est votre cas ?
B.K. Ah, non, non ! Moi, j’y ai été comme quand on apprend une nouvelle langue, une nouvelle discipline. Ça a été un moment donné dans mon parcours où je me suis dit : «Finalement, c’est ce que je voulais faire. J’ai laissé ça un peu de côté, maintenant j’ai envie de m’y mettre, je me lance !». Et puis ça a pris, alors du coup, j’ai continué et je suis ravie parce que j’adore ça et c’est vraiment ma vocation. J’ai jamais eu envie de faire autre chose.
LBFQR. Comment votre famille a t-elle accompagné cette envie ?
B.K. Ma famille adoubait. C’était : «Fais-nous rire ! ». J’étais toujours en train de me mettre en scène alors finalement quand il a fallu choisir mon métier, j’ai dit : «Ben, c’est ça !». J’ai testé pour voir si c’était vraiment ce que je voulais faire en ne faisant que ça de ma journée. Et ça a continué, alors j’ai dit on y va !
LBFQR. Quelles sont vos comédies préférées ?
B.K. J’ai revu récemment The Mask. Je suis aussi très fan de Ben Stiller. Mon beau-père et moi est un grand classique qui me fait rire. J’ai beaucoup regardé tous les Louis de Funès quand j’étais petite. Avec mon père et mon frère, on regardait ça en boucle. Je suis très fan des comédies romantiques américaines car je trouve que c’est à la fois drôle et romantique. Ça mêle les deux et j’adore !
“Une fille qui fait rire, c’est pas rédhibitoire, bien au contraire !”
LBFQR. Votre spectacle, comme celui que que vous donnez au sein du Connasse Comedy Club, contient beaucoup de références qui s’adressent aux filles. Pensez-vous qu’il y a un humour féminin et un humour masculin ?
B.K. Je pense qu’on a des ressorts comiques différents entre les hommes et les femmes. Les garçons socialement testent leurs blagues depuis toujours, en fait, puisque c’est comme ça qu’ils se créent une carapace. Nous, on va être dans la confidence, dans l’anecdote, donc c’est une façon de raconter qui va être tournée vers l’humour. Après, effectivement, on a des références girly. Ça a toujours un ton un peu péjoratif et je trouve ça dommage, en fait. Quand les gens disent c’est très girly, ça veut dire : «Attention les garçons, ne venez pas !» alors qu’un mec qui fait du one-man-show ne s’adresse pas qu’aux hommes, bien au contraire ! Donc, on arrive à parler des hommes et des femmes sans que ce soit limité. Après, oui, effectivement, il y a des sujets comme les fringues, la mode, les copines, bon, voilà, mais je pense qu’on s’ouvre aussi et il y a pas mal de mecs qui viennent au Connasse Comedy Club et ils aiment bien.
LBFQR. A propos de fringues, vous imitez Cristina Cordula, la relookeuse de M6, qui apparaît également dans le show de votre amie Nadia Roz. A quand une battle de Cordula sur scène ?
B.K. Non, on n’a pas encore fighté nos Cristina Cordula, on va y penser ! (Rires)
LBFQR. Quels livres vous inspirent, vous font rire et nourrissent peut-être votre humour ?
B.K. Non, j’ai pas de livre particulier…j’ai honte mais avec Facebook, je lis plus rien ! J’ai pas trop de livres de chevet. Je lis la bio de Brigitte Bardot, c’est pas excessivement marrant. J’aime bien découvrir la naissance du mythe Bardot. J’aime bien la BD Joséphine de Pénélope Bagieu. J’ai acheté les trois volumes cet hiver et je les redécouvre à chaque fois.
LBFQR. Quand on vous présente en disant : «Tiens, voilà Bérengère Krief, tu vas voir elle est super drôle ! », comment le prenez-vous ?
B.K. En fait, ça dépend. C’ets assez flatteur car la personne qui me présente me trouve marrante, mais c’est vrai que, du coup, c’est toujours un peu délicat. On se dit : «Attends, j’ai pas encore parlé, p’t’être que je vais pas être très marrante !». Ça fout une mini pression mais ça va, c’est supportable.
LBFQR. Est-ce qu’une femme qui fait rire séduit plus facilement les hommes ?
B.K. En tant qu’humoriste ? Ben, y a un gros débat parce que plein de filles disent que l’humour ça fait peur aux mecs. Moi, je ne me plains pas. J’ai des p’tits messages, des mots doux sur Facebook. Je ne me sens pas mal aimée par le fait que je suis drôle mais ça arrive. Parfois des mecs disent : «Non, mais ça va, c’est pas trop dur ?» parce que je ne suis pas tout le temps «wou hou !». Non, moi, ça va, je ne trouve pas qu’une fille qui fait rire ça soit rédhibitoire, bien au contraire !
LBFQR. Depuis que vous êtes le plan Q de Bref vous propose-t-on plus de plans X ?
B.K. Forcément mais je sais quoi répondre, j’ai un sketch pour se débarrasser des relous !
LBFQR. Pensez-vous qu’on puisse rire de tout ?
B.K. Je ne sais pas, je ne crois pas. Si vous êtes concerné par un truc dont les gens rigolent, ça peut ne pas vous faire rire. Je ne pense pas qu’on puisse rire de tout, et ça dépend de votre état d’esprit.
LBFQR. Vous vous fixez des limites ?
B.K. Moi, je crois que c’est le physique. Et puis il y a un truc qui fixe ta limite, en fait. Moi, par exemple, si avec mon physique je commence à dire des grossièretés, ça va être dommage, on va se dire : «Ah, ben c’est con, quoi !». Donc, il y a un moment donné où la limite se fixe d’elle-même… enfin, pour ma part, c’est ça. Il y a des trucs que je vais pouvoir oser dire et on va se dire que ça choque et que c’est pas bien. Les filles, socialement, on ne peut pas non plus tout dire donc voilà, la limite se fixe d’elle-même, je pense.
LBFQR. Quels spectacles recommanderiez-vous aux visiteurs du blogfemmequirit ?
B.K. Marc-Antoine Lebret, un imitateur qui a de très bons textes. C’est un spectacle assez novateur dans sa formule. J’aime bien parce que j’y ai repensé quelques jours après. Le lendemain, vous vous refaites les blagues. C’est un très bon spectacle ! Et évidemment ceux de mes copines Nadia Roz au Temple, Christine Berrou, Anne-Sophie Girard fait sa crâneuse au Bout que je recommande chaudement.
Où applaudir Bérengère Krief : tous les soirs du mercredi au samedi à 19h au Point-Virgule jusqu’au 30 juin dans un spectacle co-écrit et mis en scène par Grégoire Dey . Collaboration artistique : Nicolas Vital.
Le Connasse Comedy Club a donné sa dernière représentation le 24 mai et reprendra son show à la rentrée.
7, rue Sainte-Croix-de-La-Bretonnerie. 75004 Paris. Tél : 01-42-78-67-03
Une réponse à Bérengère Krief: “Je n’avais pas décidé d’être marrante ou pas, je voulais juste jouer !”