Jour 4 du Festival Rire avec Elles, au Ranelagh à Paris. En ce jeudi 22 mars, la salle est encore plus remplie que la veille et c’est un vrai plaisir de réveiller un peu ce coin du 16ème arrondissement de Paris où plus rien ne bouge passé 19 heures. Le bien nommé quartier de La Muette est tellement calme qu’un chat errant raserait les murs de peur d’être soupçonné de délinquance. Léa Lando, toujours à la barre, livre quelques bribes du stand-up qu’elle joue tous les vendredis à 20h15 à La Cible, à un public qui découvre un art de la scène avec lequel il n’est peut-être pas familier. Suivront deux artistes que j’ai déjà vues sur scène Vanessa Kayo et Joséphine Ose et Emilie Chertier que j’ai découverte ce soir-là.
VANESSA KAYO, L’ART DE GRAVER DES PORTRAITS LÉGERS
Son entrée en scène en dit long sur ce qu’elle va défendre : Vanessa Kayo éxécute d’improbables pirouettes, des roues de cours de récré et roulades intentionnellement ratées pour inviter le spectateur à ne pas la prendre trop au sérieux. Elle aime le déséquilibre, l’instant de fuite chez un personnage qui le rend attachant. Vanessa Kayo a l’art de croquer des petits portraits de façon vive et légère et insuffle toujours quelque humanité aux plus agaçants de ses personnages. Qu’elle observe des moches qui prennent le train et à côté desquels elle se retrouve systématiquement, des adeptes du sport en salle, “super baraqués et superficiels” tellement beaux qu’ils ont “envie de s’faire l’amour à eux-mêmes” ou des vieux, Vanessa Kayo se place toujours du côté de la dérision jamais de celui de la condamnation. C’est souvent sur de l’agacement nourri de tendresse que se fondent son jugement et son écriture. C’est pour cela qu’on apprécie le personnage de sa mère qui trouve toujours la phrase délicieusement assassine pour rappeler à sa fille, même adulte, qu’elle est toujours une enfant. Sa mère, c’est la nôtre et, comme le recommande Vanessa Kayo, il ne faut pas séjourner chez elle plus de trois jours, sous peine d’entendre ceci.
Le premier jour : “Qu’est-ce qui te ferait plaisir pour le déjeuner?”
Le deuxième jour : “Vanessa, tu peux préparer le déjeuner?”
Le troisième jour : “Vanessa, tu crois que la bouffe va se faire toute seule ?”
Ce n’est pas du côté de la vanne en rafale ni des jeux de mots que Vanessa Kayo surprend -elle n’en a d’ailleurs pas la prétention- mais dans l’écriture des personnages et les situations dans lesquelles elle les installe. Elle sait comme personne les rendre tendres, gaffeurs, attachants ou ridicules comme ces voyageurs croisés dans le train en situation irrégulière et peu disposés à payer l’amende. Comme eux, on pensera lors d’un prochain voyage à jouer :
-La bêtise : “Salut, moi, c’est Cindy et vous ? Mon billet ? C’est marrant comme nom!”
-L’apitoiement et la culpabilisation : “35 euros ? Pas de problème, j’ai un bras paralysé et je dois répondre au téléphone, j’attends un rein, je suis sourde de cette oreille. Allô ? Je suis Cosette…vous n’voyez pas que je suis morte !”
-L’inclination victimaire : “Vous me demandez mon billet parce que je suis noire ?”
Voilà pour le train. Pour le RER, Vanessa Kayo est incollable sur les messages à faire passer pour éviter les importuns. On ne vous dira rien sinon qu’il faut courir l’applaudir à La Cible, le samedi à 19h.
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JOSÉPHINE OSE ET CAUSE AUSSI .
Véritable enfant de la balle, la scène ne lui fait pas peur et https://www.leblogfemmequirit.com/rire-avec-elles-lhumour-au-feminin4-vanessa-kayo-josephine-ose-et-emilie-chertier/ en maîtrise déjà certains codes. Impossible par exemple de la rater tellement elle est lookée. Un diadème sur la tête, une robe tutu rose pâle au bustier prometteur de Maria Lucia Hohan, savant mélange de la tenue de fée et de celle de la queen on the prom, salomés Repetto vernis bleu gris de dix bons centimètres et impeccable make-up. Joséphine Ose est bien la fille de sa mère Laurence Heller, aujourd’hui créatrice de mode, et ex-rédactrice de mode réputée qui travailla pour le magazine ELLE et interpréta également, en duo avec Hélène Bérard, A cause des garçons, méga tube des années 1987-1988. Côté paternel, c’est aussi la grande classe. Joséphine Ose est la fille de Philippe Draï, batteur et percussionniste de Bashung, qui accompagna également Véronique Sanson, Renaud, Lio, Mylène Farmer, Paul Personne…et fonda le groupe Kassav. Voilà pour le pedigree de la belle qui ne le cache ni le met en avant. Voilà également pour l’explication de son nom de scène, clin d’œil à la chanson Osez Joséphine de Bashung que son prénom avait inspirée au chanteur. Sur scène, ça n’est pas son histoire familiale qu’elle déroule mais quelques instantanés de son quotidien de jeune femme de 25 ans, addict aux Kinder Pingui et Ferrero Roche d’or, en quête du big love. Joséphine danse (ah, son clin d’œil à Rihanna à Bercy!), Joséphine cause, Joséphine chante et se définit d’ailleurs avant tout comme une chanteuse. Dans son spectacle, elle est accompagnée, suivant les dates et les salles, de Ronan Yvon à la guitare ou de Fabien, au piano. L’ayant vue le 2 mars dernier en première partie d’Les Blabla, au Trianon avec Ronan, puis au Ranelagh avec Fabien, j’ai pu apprécier les deux versions de son show et imaginer le travail du trio sur scène.
Joséphine Ose a un univers léger, girly ascendant capricieuse, c’est-à-dire principalement nourri des questions relatives aux relations nanas-mecs. On a donc droit à l’évocation d’histoires d’amour foirées ou foireuses (“Je me suis fait larguer. Un de perdu, dix de retrouvés? Ça, c’est vrai pour les kilos!”) en texte parlé ou chanté. Ses propres histoires ou celles de Sa copine Sarah Pirel-25 ans-taille36-bonnetC à qui Joséphine dédie le titre “Elle est compliquée”. On comprend très vite que parler de Sarah n’est qu’une pirouette permettant à Joséphine Ose de décaler le propos et parler d’elle-même. Elle dont la vie donne “l’impression d’être une immense série de pauses pipi entre lesquelles je prends le temps de faire des choses”. Quelles choses ? Courir les soirées à la recherche de l’homme de sa vie, éviter les conseils des copines (“J’entends pas, j’suis myope!“), manger beaucoup, sucré de préférence, continuer d’être “rasciste des moches” (“il est moche, c’est comme si son père et sa mère n’avaient pas travaillé à la même échelle”), éviter les “mecs tartares”, le nom que Joséphine Ose donner aux éjaculateurs précoces… assumer devant les hommes d’être drôle car “Homme qui rit ? Homme qui te tape dans le dos et te rote à la gueule ! Moi, j’ai déjà envisagé d’arrêter d’être drôle, je veux des enfants !” .
En 5 chansons (Tout va bien, La larme un peu facile, Je veux, j’en veux, Une fille compliquée, Pourquoi vouloir passer pour celle qu’on n’est pas ?), Joséphine Ose trace un autoportrait touchant parce qu’ultra-sensible d’une jeune femme qui a le temps de nourrir ses angoisses. Au propre et au figuré. Les spectateurs du Ranelagh n’ont pas forcément saisi le décalage de cette jolie fille plantureuse et sexy dont ils se demandaient si elle était venue pour chanter ou sketcher. Joséphine Ose réalise les deux à la fois mais il est vrai que si peu d’humoristes le font qu’on peut s’en étonner. Ceux qui ont goûté son humour s’empresseront d’aller l’applaudir au Café de la Danse, le 15 juin.
EMILIE CHERTIER
L’heure où vous dîtes : “Il serait temps pour leblogfemmequirit de parler d’Emilie Chertier“.L’heure où vous dîtes : “Elle est déjà en retard sur les chroniques précédentes“.L’heure où vous dites : “Mais, ne se moque-t-elle pas de nous à commencer ce portrait ainsi ?“….A cette heure précise, je n’ai pas rédigé mon commentaire sur les 30 mn du spectacle d’Emilie Chertier. Je vais le faire ou plutôt ça va se faire. Juste le temps de relire Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche… et je reviens. En attendant, vous pouvez aller applaudir Emilie Chertier tous les lundis à 20h au Théâtre Popul’Air du Reinitas, à Paris.
Une réponse à Rire avec Elles, L’humour au féminin(4): Vanessa Kayo, Joséphine Ose et Emilie Chertier.