Mercredi 9 janvier, date d’ouverture des soldes, Desigual, marque de vêtements espagnole invitait ses fans à entrer en sous-vêtements dans l’un de ses magasins pour en ressortir totalement habillés.
Inaugurée à Lyon l’an dernier et passée également par Barcelone (berceau de la marque), Lisbonne, Berlin, Londres, Amsterdam, New York et San Francisco, cette seminaked party (fête à moitié nue) aurait réuni lors de sa première édition en France près de 4000 fans. Un succès qui a encouragé la direction de ce label de vêtements très très colorés, dont la devise est “La vida es chula” (la vie est chouette!) à lancer l’opération à Paris. Pour y participer, les fans devaient s’inscrire sur Facebook puis, pour les 100 premiers d’entre eux, grimper dans un bus stationné place de La Concorde à 7h30. A bord, l’organisation les a invités à se déshabiller (puisqu’il est interdit de le faire en pleine rue) au rythme d’airs entraînants mixés par un DJ avant de gagner le boulevard des Capucines, non sans avoir sillonné quelques rues et fait beaucoup de bruit pour se faire remarquer. Les 100 premiers “chanceux” ont eu droit de pénétrer à 9h30 dans le Desigual store et d’en ressortir habillés de pied en cap. La belle affaire !
(Video de la seminaked party de Lyon, 2012).
Les JT ont relayé l’info, images à l’appui, sans s’inquiéter de la portée de cet événement qui en soi n’en est pas un. Pourquoi j’en parle, alors ? Parce je trouve détestable et humiliant d’échanger des fringues contre de la nudité -fut-elle partielle- et l’exhibition de chair. C’est d’autant plus détestable à une époque ou d’autres femmes dans le monde se servent de leur nudité partielle ou totale pour revendiquer des choses autrement plus essentielles. Existentielles même. Nudité qu’elles exposent à tous les dangers, de l’incarcération aux punitions les plus avilissantes. Qu’il s’agisse des Pussy Riot en Russie, des Femen en Ukraine ou encore, quoique moins dangereusement, de ces manifestants québécois nus (hommes et femmes réunis, cette fois) et étiquetés d’un carré rouge qui protestaient le 7 juin dernier à Montréal conre l’augmentation des frais de scolarité. Leur nudité a un sens voire une mission. Elle est un rempart contre l’indifférence qu’on renvoie à leurs revendications, un tableau vivant parfois de l’ordre du happening arty sur lequel est inscrit leur refus de céder, plier et renoncer. C’est un cri de l’ordre de la plainte et de la douleur même s’il semble être lancé sur un ton joyeux. Cette audace-là ne s’achète ni ne se négocie à vil prix. Voilà le sens de ces maNUfestations.
J’ai demandé à interviewer Rina Porta, Responsable de la communication de Desigual annoncée à Paris ce jour-là et approcher quelques participants…Pas de réponse du bureau de presse malgré mes mail et relance téléphonique. Dommage. J’aurais tant aimé lui demander comment on en arrive à penser des choses aussi dégradantes en pleine crise et, de surcroît, en plein hiver. Combien coûte cet événement et combien aurait coûté la même “prestation” confiée à des mannequins rétribués pour défiler ou simuler une seminaked party ? J’aurais aimé savoir d’où viennent ces garçons et ces filles levés aux aurores pour récupérer une tenue composée “d’un haut et d’un bas”. Piètre récompense compte tenu de la promo faite à la marque. Et des possibles répercussions négatives. On le sait, rien n’échappe à Facebook et je plains celles et ceux qui, peu soucieux de leur e-réputation, essuieront le refus d’un recruteur qui leur dira au mieux: “Votre participation semi-nue à cet événement n’est pas compatible avec les valeurs et l’image de notre maison”. Au pire et sur un ton salace : “J’vous ai déjà vu(e) quelquepart mais vous étiez moins habillé(e), j’me trompe ?”. J’aurais tant aimé connaître leur milieu social, leurs espoirs, leurs envies et peut-être leurs (dés)illusions… Surtout connaître leur motivation : le jeu, le défi, la provocation, l’exhibitionnisme, l’ennui, l’impérieuse nécessité d’avoir un vêtement neuf à porter, la pauvreté, le mimétisme, le masochisme, l’inconscience, l’amour inconsidéré de cette marque…Une de ces raisons ? Plusieurs ? Toutes ? N’ayant pas été invitée à approcher Rina Porta ni les participants, c’est finalement moi qu’on a invitée à aller se rhabiller.
4 réponses à Desigual et sa seminaked party, un événement totalement incorrect ?